La farandole gourmande du Périgord (1ère partie)
 
MotSavou1
 
Henri MILLER, par une géniale perspicacité, avait bien saisi cette terre des hommes qu’est le Périgord quand il écrivait dans le Colosse de Maroussi: «Rien ne m’empêchera de croire que cette grande et pacifique région de France est destinée à demeurer éternellement un lieu sain pour l’homme et que lorsque la grande ville aura fini d’exterminer les poètes, leurs successeurs trouveront ici refuge et berceau.Il se peut qu’un jour la France cesse d’exister mais la Dordogne survivra, tout comme les rêves dont se nourrit l’âme humaine».
 

Ce Périgord est une terre bénie des dieux. Quoiqu’il en soit, le Périgourdin possède chez lui un protocole traditionnel qui lui permet d’apprécier sur chaque plat un vin du pays apte à en faire ressortir tous les mérites en charmant ses papilles.

Il existe quatre parties de ce Périgord si attrayant à découvrir. Nous avons exploré une partie du Périgord Pourpre et or, nous entrons dans les trois autres : le Périgord vert, de Nontron à Excideuil, au nord, qui constitue un véritable écrin de verdure vallonné et sillonné d’une multitude de ruisseaux, tels la Dronne et le Bandiat. Le Périgord blanc, sa capitale Périgueux, au centre du département, qui est le pays des plateaux de calcaire et des larges vallées de prairies, sillonnées par l’Auvézère et l’Isle. Le Périgord noir, avec Sarlat qui domine les vallées de la Vézère et de la Dordogne aux taux de boisement très élevés.

Les paysages sont restés là immortellement beaux et célèbres depuis la nuit des temps : qui ne connaît les Eysies, capitale du monde de la préhistoire. Il est vrai que l’ancienne Province du Périgord, aujourd’hui Dordogne, offre une incomparable diversité de sites classés, d’églises romanes, de châteaux, de gentilhommières, d’auberges pittoresques. Il est vrai aussi que la cuisine périgourdine mérite son évidente célébrité. Je me souviens, de ces cordons bleus de mon enfance qui mijotaient avec amour des plats régionaux et qui se nomment grand-mère Angèle, grand-mère Adrienne, ma mère Odette et ma tante Irène. À ce moment-là, je ne comprenais pas que, si manger est un privilège, savoir bien manger est une science, un art.

Qu’a-t-elle donc cette cuisine de ma province natale unique en son genre? Elle est simple, saine et fraîche. L’onctuosité du foie gras, le parfum de la truffe, la saveur du tourin blanchi, le doux murmure d’un chapon qui rôtit au coin de la cheminée, la pétarade des châtaignes en train de griller accompagnées du vin bourru de l’oncle Gilbert Barreyre, sont pour moi autant de stimuli inoubliables. Ces dames cordons bleus n’utilisaient jamais le beurre dans la confection des plats locaux, elles employaient la graisse d’oie ou de canard, cette graisse fine, ambrée et parfumée, qui donne son goût particulier à tous les mets qu’elle assaisonne. Peu de poivre et peu d’épices, mais un soupçon d’ail, parfois des truffes, évidemment! … et surtout une cuisson lente et prolongée. La Trilogie Périgourdine : Truffes – Cèpes – Foie gras. Ce sont les trois mets qui sont à la base de la gastronomie du Périgord.

Ces choses-là ne se discutent pas, elles se sentent et, pour les bien sentir, il n’est que de déguster les trois mets qui sont à la base de la gastronomie du Périgord à la condition bien entendu, qu’ils aient été produis sur place.

La truffe, le diamant noir du Périgord, apporte la confirmation la plus éclatante à la théorie suivante : sachez que la truffe du Périgord a la peau noire et l’intérieur veiné de blanc. Elle n’est pas belle, mais précieuse. Compter pour ce genre de champignon noirâtre à peu près 700,00 $ le kilo pour la truffe de belle qualité : la Tuber melanosporum ou « truffe du Périgord ». La récolte a lieu de novembre à mars. Plusieurs techniques existent, la mouche cette méthode consiste à repérer l’insecte sur la terre brûlée où son odorat l’attire. Le chien qui grâce à son odorat détecte la truffe. Mais c’est la truie que je vous présente, notre belle bien dressée, fourrage le sol du groin et le caveur récupère les truffes avant qu’elles ne les mangent.

 
Scène de vendanges noire le caveur
 
Truie
La truie et le caveur s’en vont vers la truffière,
L’animal a son flair, l’homme un bâton ferré,
Du maïs dans poche, un sac en bandoulière…
Tous deux cherchent le fruit à mi-sol enterré.

Il gît enseveli sous les chênes noueux
Cernés d’un cailloutis où l’herbe est en disgrâce.
Soudain, la bête hume un parfum qui l’émeut
Et, grommelant de joie, enfonce un groin vorace.

Mais l’homme, promptement, écarte la gloutonne,
De son bâton extrait la truffe qu’il saisit,
L’enfouit dans son sac, puis, goguenard, il donne
Du maïs à la truie, et quête poursuit…

Sur le causse rugueux, au cœur du Périgord,
La truie et le caveur, de brumaire à ventôse,
Cueillent le noir Lingot, la truffe, exquis trésor,
Dont le parfum subtil vaut celui de la rose!
                                                     
Armand Got
 
Un kilo de truffes récoltées en Périgord embaume, non seulement la cuisine où elles attendent d’être traitées, mais toutes les pièces de la maison ; les passants et les voisins savent qu’il y a des truffes chez vous et vos vêtements en apportent la nouvelle à ceux que vous allez visiter.
 
Champignons
Le cèpe, roi des champignons. Chaque année, une fois les vendanges terminées, il déclenche les invasions. Les arbres qui abritent le cèpe lui communiquent leurs parfums : le chêne et le châtaignier donnent avec abondance leurs effluves. Pour la cueillette pas de secret il faut se lever tôt. Du printemps à l’automne, c’est par tonnes que l’on compte les cèpes qui transitent sur le marché de Villefranche-du-Périgord. En Dordogne on le fait longuement mijoter avec de l’huile, du persil et une pointe d’ail. Le cèpe star est le cèpe à tête noire.
 
Le foie gras, premier pays producteur et premier pays exportateur de foie gras transformé, la France a la médaille d’or grâce au Sud-Ouest, Périgord et Landes l’un pour l’oie l’autre pour le canard. La grande consommation a bouleversé les méthodes de production, les temps de gavage change : dix à douze jours pour le canard, quinze à seize pour l’oie. On administre de force deux ou trois fois par jours aux animaux de plus de deux mois une purée de maïs très calorique avec un entonnoir.
Foie gras
 
Le temps où je gardais les oies lorsque je n’étais pas sage n’existe plus. Immobilisés, les volatiles ne batifolent plus dans les prés. Ils sont élevés par milliers jusqu’à l’âge de douze semaines pour les canards et seize pour les oies. La conserve de vrai foie gras se présente sous la dénomination « foie gras entier » le prix environ au kilo 300,00 $ pour le canard et 250,00 $ pour l’oie.
 
La belle Oie
 

La belle oie

Elle est de Bergerac,
Elle est jeune,
Elle est blanche.
Sur son sein rebondi,
l’épiderme fait crac !
Un bleuâtre reflet jaspe son estomac,
La graisse, doucement, capitonne sa hanche.
Venez la voir, amis, sans mettre votre frac
Et sans vous essouffler, montez mes cinq étages!
Nous serons neuf à lui présenter nos hommages.
Neuf ! Cela n’est pas de trop. Elle est de Bergerac!

(Invitation en vers envoyée par le célèbre chirurgien Samuel Pozzi à son compatriote bergeracois, le tragédien Mounet-sully.)
 

 
OenophilementVJean-Claude Denogens
Officier du Mérite Agricole (France)
Grand Consul de la Vinée de Bergerac