L'Alsace ses vins - Partie 3
   
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Brillat-Savarin se félicitait de son passage en Alsace en assurant que c’était «une des régions d’Europe où il avait le plus salivé». Pour les œnophiles et les gastronomes, la gastronomie, en Alsace, ne se limite pas au vin. On y déguste, aussi, son foie gras, ses pâtisseries dont la tarte aux myrtilles et le Kougelhopf, sa charcuterie, sa choucroute, son fromage de Munster. On y boit les meilleures bières de France et des alcools blancs renommés.
 
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On ne découvre pas, en Alsace, de vignobles classés par région comme en Beaujolais, dans la Bourgogne ou le Bordelais. On ne va pas du sylvaner au riesling comme on va, par exemple, du clos de vougeot au chambolle-musigny ou du pomerol au saint-émilion. Ici, chaque viticulteur se fait un devoir de produire tous les cépages alsaciens. On peut donc ne rendre visite qu’à un seul producteur. Mais ce serait dommage au moins pour trois raisons : la première est que les vins d’Alsace valent mieux qu’une seule dégustation. La seconde est que l’Alsace vaut mieux qu’une simple visite et la troisième est que les Alsaciens disent eux-mêmes qu’ils ont tout pour être heureux, ajoutons que le vignoble est une image modèle de l’Europe.

L’Alsacien, comme son vin, est noble. Nulle part, en France, plus encore qu’en Bretagne ou au pays Basque, on ne découvre un tel respect des traditions, de l’histoire locale et avec tout cela le clocher reste le symbole de la cité. C’est un lieu commun que de proclamer d’une région qu’elle est chargée d’histoire. Pour l’Alsace, on ne peut dire mieux. Pendant longtemps elle a servi de terrain d’occupation et de tampon entre ses deux grands voisins. Disputée, déchirée, passant de l’un à l’autre, elle s’est découverte, des qualités propres dont la première est l’obstination.

   
L’Alsace fleurit
Pour visiter l’Alsace comme elle le mérite, il faut plusieurs mois. Plusieurs cités valent un arrêt plus ou moins prolongé. Ma première constatation est que la splendide route du vin est une route fleurie. Chaque localité présente ses maisons typiques aux balcons dispensant à profusion le rouge, le bleu, le blanc, le jaune. Les rues ont leurs corbeilles et des plantes vertes s’élancent à l’assaut des escaliers ou des murs.
   

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Il faut admirer les maisons à pignons ou à encorbellements. Ne levez pas trop haut les yeux, car l’Alsace souffre bien plus des modernes antennes de télévision que de la présence des belles cigognes. Si vous allez du sud au nord, c’est-à-dire du Haut-Rhin vers le Bas-Rhin jetez, à Thann un œil sur la flèche finement ciselée de l’église Saint-Thiébaud. À Guebwiller, faites un détour jusqu’à Murbach pour admirer la remarquable église de pur style roman. De Soultzmatt dominée par son château de Wangenbourg, bifurquez vers Rouffach où vous ferez un arrêt sur la place pittoresque avec son ancien hôtel de ville et la tour des sorcières.

Le bon roi Dagobert, franc buveur, aimait plus que tout le vin de Rouffach! Gueberschwihr a préservé, malgré les sièges et les pillages, un magnifique clocher roman, le plus beau de toute l’Alsace. Faites ensuite une halte à Éguisheim. Le maire, Léon Beyer, a fait de sa petite cité un écrin fleuri, plusieurs fois lauréat, déjà, de concours et, notamment premier grand prix d’honneur des villes et villages fleuris de France. Dominée, au loin, par les donjons des trois châteaux des puissants seigneurs d’Éguisheim, la charmante ville s’enorgueillit de compter parmi ses fils un pape, Saint Léon IX. Elle affirme aussi qu’elle est le berceau du vignoble alsacien… Ce village le plus fleuri de la province, possède un pressoir médiéval et monumental, dans lequel en son caveau vinaire, le maire vigneron, Léon Beyer, offre à ses amis le vin de ses vignes, car, selon une ancienne poésie alsacienne :

 
«Qui craint Dieu sera bienheureux
Qui boit du vin deviendra heureux.
Donc, craignons Dieu, buvons du vin,
Et nous serons joyeux et bienheureux.»
 
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Colmar capitale du vignoble
Colmar Haut-Rhin est indiscutablement la capitale viticole de l’Alsace, comme le justifie sa célèbre Foire aux vins d’Alsace, qui, chaque année, au mois d’août, attire une sélection d’œnophiles et gourmets internationaux, dans la cité de la Maison des Têtes, en pleine liesse folklorique. La maison Pfister vaut aussi plus qu’un coup d’œil.

Dans cette capitale vinicole et gourmande, il y a aussi le souvenir du chauvin et célèbre peintre imagier Jean-Jacques Waltz, plus connu sous le nom de Hansi qui était citoyen de Colmar. Son ombre rode chaque matin à la réputée brasserie Meistermann, vidant allègrement avec quelques intimes quelques cruches de Sylvaner autour de la traditionnelle tarte à l’oignon. Il faut voir Turckheim et se souvenir de Turenne qui écrasa les impériaux et les chassa d’Alsace. Il faut marquer un temps d’arrêt à Ammerschwihr où naquit, au XIVe siècle, la célèbre confrérie de Saint-Etienne,

Amen.
 
OenophilementVJean-Claude Denogens
Officier du Mérite Agricole (France)
Grand Consul de la Vinée de Bergerac